breathing in the dark, lying on it's side

elle marche. un pas après l’autre. ses pieds foulant le sol de la forêt d’hovden, empruntant le même chemin que les hommes devant elle.
ils sont bruyants, devant. pas tous. pas ceux à la pointe du groupe. eux, ils mènent la danse. éclaireurs et guerriers, la sécurité du groupe dépends d’eux. alors ils sont vifs et attentifs.
et puis il y a les autres. ceux au milieu du peloton. eux, ils parlent, ils ricanent. ils ne respectent rien. ni le travail des éclaireurs, ni le silence de la forêt. ne font même pas l’effort de dissimuler leurs mouvements et de veiller au danger.
ceux-là, précisément, night les déteste. elle voudrait qu’ils se taisent.
night, silencieuse à l’arrière de la troupe.
une des seules dont les yeux balayent les alentours, donc le corps est à l'affût du moindre signe et dont les pas sont aussi silencieux que la brise.
la seule.
ou presque.
car il y en a un autre.
un qu’elle déteste encore plus que les autres.

achilles. achilles wicked.
le chef des hunters est à moins d’un mètre d’elle, les pas calés dans les siens, tout aussi silencieux. cet homme, elle s’est imaginée tellement de fois le tuer de ses mains. l’abattre d’une balle au campement ou durant une patrouille. l’étrangler dans son sommeil après s’être faufilé dans sa couchette. lacéré sa gorge de son poignard comme il l’a fait pour son père.
les pensées meurtrières sont restées quelques mois, mais se sont vite effacées face à l’implacable fatalité.
night ne tuera pas achilles.
night ne tuera personne.
se contentera de le haïr pour l’éternité.

la blonde est tendue d’avoir son chef juste à côté. ce chef qu’elle hait de tout son être mais qu’elle craint à en mourir. elle ne comprend pas pourquoi il a décidé d’évoluer avec elle, et ça l’énerve de ne pas savoir. elle trouve ça absurde, étrange. la méfiance gagne peut à peu son corps, se mêlant à la peur instinctive que cet homme lui fait ressentir.
le silence pèse à l’arrière du groupe. night ne dit rien, achilles non plus. le voyage est long et stressant, alors night se concentre encore plus sur les alentours et sur ses mouvements silencieux.
pour oublier qu’il est là.
au moins un peu.
terrible achilles.

voilà que la patrouille hunters arrive à l’entrée du tunnel. petite fierté des hunters, combien de temps cela fait qu’ils contrôlent ce territoire et ces ressources ? night ne sait pas, elle ne sait plus. elle s’en fou, de toute façon.
leur meneur donne ses ordres classiques. night n’écoute qu’à moitié: c’est toujours les mêmes. on vérifie les galeries, leur état. on vérifie les pièges et on nettoie si besoin. journée classique pour les chasseurs de snowbury.
et pourtant, achilles wicked, le grand achilles wicked, prononce alors son prénom.
la blonde fait volte-face en sa direction, surprise. elle ouvre la bouche, mais aucun son ne sort à part un regard presque interloqué, mais surtout bourré d’appréhension.
pas le temps de poser de questions, elle n’oserait pas de toute façon. le groupe se disloque, chacun part remplir sa mission. night elle, ne bouge pas tout de suite, méfiante.

mais le voilà qui ose la bousculer d’un coup d’épaule méprisant. night bouge d’un pas en avant, mais reste sur ses appuis. fronce les sourcils, se mords la lèvre mais obéis. elle avance, un pas après l’autre, comme tout à l’heure. toujours aussi silencieuse.
son chef est de nouveau à côté d’elle, et elle ne peut s’empêcher de lui jeter des regards. incompréhension, crainte, colère, mépris, révulsion.
tout se mélange dans ses pupilles bleues cendrées.
il le remarque, d'ailleurs.

“je ne veux pas te… vous, tuez.”

bégaye sur le vouvoiement. se reprends. il reste leur meneur.
et c’est vrai, elle ne veut plus. et pourtant, elle y a pensé pendant longtemps.
peut-être qu’elle y pensera s'il continue de la pousser comme ça. elle n’aime pas ça, night, ça l’agace. elle déteste voir du mépris dans les yeux des autres. elle déteste voir qu’on la prend de haut. et il la prend de haut.
elle sert les poings dans les poches de sa veste. elle ne dit rien, ne moufte pas, parce qu’elle le sait plus fort qu’elle. mais elle a très envie d’exploser.
les voilà qui s'engouffrent dans la forêt une nouvelle fois. tant mieux, ça lui fera un peu oublier l’ambiance électrique de cette foutue patrouille en tête à tête. night aime la forêt. night aime toutes les forêts. elle se sent bien dans l’obscurité des fourrés. son corps avance silencieusement entre les arbres comme si elle faisait totalement partie du lieu. des années d’expériences qui s'illustrent aujourd’hui.
alors elle repère toute suite l’odeur du fer. ça s'engouffre dans ses narines et dans sa gorge. l’odeur du sang, l’odeur de la mort. cette odeur-là, elle ne la connaît que trop bien: c’est celle d’une bête. la seule qu’elle voulait connaître.
dommage pour elle, il y a maintenant aussi celles des hommes et des infectés.

achilles et night s’approchent de la carcasse. c’est un ours.
rapide coup d’oeil autour: il y a des traces de luttes sur le sol, de sang sur les buissons. le sang luit encore un peu, c’est récent, vraiment récent.
night réfléchit d’elle-même à la cause de la mort. elle s'accroupit au côté de la bête. pose avec prudence sa main sur le corps de l’ours, à un endroit sans sang et sans plaie. il y a eu un combat titanesque et le carnivore est mort. c’est donc soit une bête de son gabarit, soit des infectés qui l’ont tué.
alors qu’elle analyse la situation, achilles prends la parole. ça la surprends encore, et cette fois night ne peut contenir un regard assassin vers l’homme. déjà parce qu’il la met à l’épreuve et qu’elle n’aime pas ça.  c’est un test ou quoi ? il la prend pour quoi ? une gamine ? ensuite parce qu’il lui demande quelque chose qu’elle était déjà en train de faire, et ça l’énerve. elle déteste se faire couper l’herbe sous le pied. enfin parce que, il a ce regard suffisait. ce sourire satisfait.

“tsk.” claquement de langue d’agacement. “pour tuer un ours, il faut être un ours. il n’y a pas de plus grands prédateurs qu’eux dans cette forêt.””

elle marque une pause, poursuit ses explications. la voix est précise et cassante. parce qu’elle veut lui montrer qu’elle sait.

“enfin, en temps normal. pas pendant l’apocalypse. il est mort d’une morsure à la gorge.”

relève la tête de l’animal avec son coude protégé par sa veste de survie, pour ne pas risquer de se faire infecter.
même si elle ne risque rien.
lui ne doit rien savoir.

“là.”

signe de tête.

“c’est pas la morsure d’un ours, ça.”

c’est celle d’un infecté. un rôdeur probablement. sûrement un groupe de trois qui chassaient.
c’est une mauvaise nouvelle pour le gibier. il va leur être impossible de la ramener au camps.
night joint ses mains quelques secondes pour honorer l’ours. il faut honorer les bêtes et respecter la mort.
elle se redresse.

“ça veut dire qu’un groupe de rôdeurs n’est pas loin.”

elle toise achilles. déjà par défi. alors ? est-ce qu’elle va rejoindre les autres abrutis ?
il y a aussi un air grave dans ses yeux. parce que la situation n’est pas idéale si des infectés rôdent.
et pour finir, il y a comme des questions au fond de ses yeux: pourquoi elle ? pourquoi juste tout les deux ? pourquoi tout ça ?

breathing in the dark, lying on it's side

un commentaire pendant l’analyse, mais juste un. ça ne perturbe pas night, elle ne se démonte pas. jamais. déjà par principe, et encore moins dans son domaine. même pas devant le grand chef.
mais elle n’aime pas les “ma grande”. déjà parce qu’elle sait que ça n’a rien d’affectif. c’est pour la provoquer et l’énerver. ensuite parce que night n’appartient à personne.
et surtout pas à lui.

visiblement, le leader est satisfait de l’analyse puisqu’il ne fait aucun commentaire. il est même bien plus sérieux qu’avant. l'atmosphère en devient presque glaciale. pesante. night se demande presque si elle ne préférait pas quand il la descendait.
les ordres sont donnés. aujourd’hui, on ne se bat pas. tant mieux. c’est bien comme ça.
elle hoche la tête pour signifier qu’elle a bien compris. pas tellement le temps de faire ça proprement que la grande main d’achilles wicked la saisie par dessous l’épaule.
night et surprise, le regarde avec colère. aucun son ne fuse mais son regard est assassin d’incompréhension et de frustration.
elle s’en rend vite compte, et baisse immédiatement les yeux vers le sol.
ça veut dire pardon, même si night ne s’excuse jamais.
ils n’ont pas élevé les cochons ensembles. achilles wicked est son putain de chef. et approuvé ou non, night ne se permet pas tout devant l’autorité absolue.

rien de plus n’est dit jusqu’au lieu des pièges. le bilan tombe: deux lapins et un blaireau. c’est mieux que rien. les rongeurs sont adultes, deux mâles. tant mieux. chasser les petits des bêtes, ça ne nourrit pas et ça fragilise l’écosystème. les hommes ont tout intérêt à les épargner, night le sait.
night s'agenouille et démarre son travail. hôte ses proies des pièges sans abîmer plus le corps défunts des lapins, puis repositionne tranquillement les pièges à l’endroit où ils étaient.
l’ambiance de travail est bien silencieuse. achilles a beau être un connard, il est méticuleux et fait les choses bien. elle peut au moins lui reconnaître ça.

mais le silence se brise dans un sourire railleur. il la cherche, définitivement. pourquoi ? ça, night ne le sait toujours pas. ne comprends toujours pas.
elle n’est personne, parmis les hunters. juste un point dans la masse. même pas un soutien, ni même un ennemi (elle aimerait bien). juste une pauvre fille qui n’a que son couteau comme compagnon.

“je ne vous aime pas moins que les autres.”

réponse machinale, mais réponse honnête. night déteste tout le monde. sun, hunters, wlf, seraphites. même les tramps. rares sont les humains qui arrivent à s’attirer sa sympathie.
par contre, peut-être que lui, elle le hait un tout petit peu plus.
mais ne l’avouera pas, pas tout de suite.
elle hausse les épaules.

“j’ai rien à dire de spécial. ma vie de hunter est banale.”

night n’est pas exceptionnelle, elle le sait. elle ne le sera jamais. ce n’est qu’une fille sans intérêt, sans rien de véritablement distinctifs. sans rien à raconter. ni intéressante, ni passionnante, ni intelligente.
du moins, elle en est persuadée.
alors elle se tait.

“et v… toi ?”

cette fois, elle relève la tête dans un regard qui semble presque timide. celui d’un enfant perdu face à un père sévère et qui tâte pour voir s’il a le droit de demander.

“j’ai fini.”

se hâte-t-elle d’ajouter pour quitter ce moment gênant où elle renvoie la question.
elle se redresse, le gibier attaché à une corde dans ses mains pour le transport. elle profite de ce temps de latence pour observer les environs au cas où les tueurs de l’ours décideraient de pointer le bout de leur nez décrépis.

breathing in the dark, lying on it's side

pourquoi diable est-ce qu’il lui parle ?
pourquoi l’avoir prise à part ? pourquoi elle ? pourquoi comme ça ?
achilles wicked, le grand achilles, aux longs cheveux noirs rabattus dans son dos et aux yeux absolus. qu’est-ce qu’il lui veut ? qu’est-ce qu’il lui trouve ?
ils n’ont rien en commun si ce n’est leur faction. il est chef, elle n’est qu’un de ses pions. une pauvre fille sans intérêt et sans histoire.
alors pourquoi ?

pourquoi ? si ce n’est une envie cruelle et sadique de jouer avec elle. night à l’impression d’être une proie, au côté du grand achilles, et elle n’aime pas ça. night est chasseuse. chasseuse chasseuse chasseuse.
pas proie. jamais.
et pourtant il est là, avec son sourire et ses mots qui se propagent comme du poison. insidieux, malveillant, au regard aussi cruel qu’un serpent.
night connaît les prédateurs.
achilles en est un.
et là, il joue.

ça la fout en rogne autant que ça la déstabilise. si ce n’était pas lui, bien longtemps qu’elle aurait répliqué, mordue, sorti sa lame. mais elle ne peut pas, pas devant son ennemi mortel. alors elle commence à avoir peur. elle se sent menacée et ne peut se défendre pleinement.
et en même temps, qu’est-ce qui l’en empêche ? qu’est-ce qui l’empêche de le planter, là, tout de suite, et de disparaître dans la forêt ?
ô, elle sait.
elle ne peut pas encore gagner.

alors elle souffle du nez d’un air méprisant quand il lui répond. elle ne peut pas décider d’haïr le monde entier ? qu’il la regarde faire. l’esprit de contradiction qui se ramène

“et pourquoi pas ?”

elle se permet. elle a compris qu’il jouait. il la cherche. elle a le choix entre esquiver et se préserver, ou répondre et s'engouffrer.
et night ne sait pas céder, ne sait pas cesser. fait et fera toujours les pires choix par fiertés.

“je me lève, je chasse, je vérifie les pièges, je dépèce le gibier, je rentre, je mange et je dors. bref, je survis.”

voilà ce qu’elle fait ici. il a d’autres questions débiles ? mais sa réponse est une esquive. parce que night a bien envie de se barrer, et achilles a raison. qu’est-ce qu’elle fiche encore ici ? elle ne sait pas elle-même. petit enfant qui se sent coincé et qui rêve de s’échapper.
mais la deuxième réponse est déjà un peu plus honnête. night survie, parmi les hunters. elle a un toît et à manger. et surtout… elle a quelque chose à faire. un but.

un nouvelle ordre fuse. night n’est pas contre, comme ça, ils bougent. c’est bien pour les rôdeurs et pour les odeurs. les voilà qui descendent jusqu’à la rivière, achilles ne manquant pas une fois de plus de la pousser vers l’avant.
mais cette fois-ci, il lui fait l’honneur de sa paume, et pas son épaule. ça l’énerve un peu moins, parce que le geste est plus doux. night se demande si c’est ça qu’on appelle de la tendresse. probablement pas, mais ça s’y apparente déjà plus que tout ce qu’elle a pu connaître de son père.

et quand on parle du loup.
alors que night se lave les mains rapidement et sans trop d'intérêt, masque ôté depuis longtemps et manche retroussée, achilles décide d’ouvrir la boîte de pandore.
regard surpris, elle se tourne brusquement vers achilles. fronce les sourcils.
des questions se bousculent dans sa tête, mais elle a du mal s’y retrouver. night et les sentiments, ça a toujours été compliqué. alors elle baisse les yeux, fixe la rivière, et murmure un peu amer:

“ouais…”

elle ne semble pas convaincu, mais achilles à raison. c’était un bon chasseur, son père.
mais c’est le reste qui l’emmerde. déjà, pourquoi est-ce qu’il fait mention de l’homme qu’il a lui-même abattu ? c’est cruel.
ensuite, pourquoi est-ce qu’elle sent du mépris dans ses propos ? dans sa voix ? lorsqu’il lui dit qu’on peut pas lui retirer ça. comme s’il savait à quel point il n’avait rien d’un père.

“mais c’était pas mon père.”

phrase énigmatique qu’elle finit par cracher brutalement. ça veut dire qu’elle ne veut pas qu’il l’appelle ainsi, ça l’énerve.
c’était joseph evans.
pas son père. jamais son père.
elle repense à ce qu’il lui a enseigné. la chasse, le combat, la défense et la survie. ça oui, il n’avait que ce mot à la bouche, survivre.
night se demande ce qu’elle serait devenue si elle avait eu le choix. le choix d’un avenir. si à peine debout sur ses jambes, il ne lui avait pas déjà foutu une putain d’arme entre les mains.

“dommage qu’il soit canné,  il aurait sans doute pu m’apprendre d’autres trucs !”

le regard s’est tourné silencieusement vers achilles, les yeux plissés, la bouche neutre, mais le ton veut tout dire. les mots sont amers, le ton ironique, la voix rancunière.
grondement silencieux pour dissimuler la colère.
ses mots sont une balle immatérielle dirigée tout droit vers son chef.
mais méritée.
ça y est, night montre enfin les crocs.
parce que c’est dommage hein ?
dommage qu’il l’ait buté.

breathing in the dark, lying on it's side

les crocs sont sortis. les mots assassins. night n’aime pas qu’il se permette de parler de son paternel comme ça. pas alors que c’est lui, de sa lame, qui lui a ouvert la gorge. pas comme ça. pas devant elle. pas comme s’il lui avait rendu service.
il décide pour elle. choisit pour lui.
et night ne le supporte plus. 18 ans d’existence à faire ce qu’on lui a dit. 18 ans à tenter de se rebeller et à finir écrasée. 18 ans sans être maîtresse de sa foutue vie.
alors non, plus jamais, plus jamais on ne pensera à sa place.

et le voilà qui continue. qui se permet de porter un jugement. mais pour qui il se prend ? c’est quoi son problème ? pourquoi est-ce qu’il décide, ce jour précis, quatres ans plus tard, de reparler de la mort de joseph ?
et pourquoi est-ce qu’il lui balance des trivialités ? il croit faire quoi au juste ? elle le sait bien, night, que c’était pas un bon père. qu’il ne faisait que l’utiliser et qu’il la modelait à sa guise. elle le sait, elle a vécue 18 piges avec lui. et combien de temps achilles l’a côtoyé, lui ? à peine 2 ans.
2 ans face à 18 ans. c’est ridicule. alors que croit-il lui apprendre ?

“nan, joseph c’était pas le meilleur des pères. merci de me le dire, j’avais pas remarqué depuis toutes ces années !”

elle tire la gueule, night. continue sur ce même ton ironique mais assaillant.
elle toise achilles. pourquoi est-ce qu’il lui dit tout ça, sous ce faux air compatissant ?
alors oui, ça démontre qu’il avait bien compris les dynamiques et bien cernés le défunt chasseur, et donc ? qu’est-ce que ça apporte ?

“sauf que ça fait un bail qu’il est mort. c’est un peu tard pour de la compassion. j’ai fait mon deuil.”

elle souffle du nez comme pour montrer qu’elle est forte.
voir achilles faire la moral sur le fait d’être parent l’agace pour une raison qu’elle ignore. d’ailleurs, elle ne sait même pas s’il a eu un rejeton, lui. il est quand même vachement jeune. de toute façon, elle n’a aucune idée de sa vie d’avant. et chez les hunters, achilles n’a personne.
elle a envie de lui demander s’il est un meilleur père, lui, en guise de réplique. mais ça serait défendre son paternel, et ça, elle refuse.
qu’ils crèvent tous.
même ceux déjà morts.

achilles s’approche à sa hauteur, se baisse pour se caler, coudes sur les jambes. il l’observe comme ça, tout prêt. night commence à trembler. pas de peur, mais de nervosité. elle n’aime pas cette proximité. ne supporte pas le contact. déjà les tapes et les coups d’épaules c’était beaucoup, mais là, la voilà décidément agacée.
agacée et nerveuse de ne pas être dans une zone de confort.

la bouche d’achilles s’entrouvre, il se remet à parler.
et pauvre petite blonde à l’impression de voir son monde dégringoler.

“pardon ?”

elle se relève d’un coup. ne réfléchit plus à rien si ce n’est ses paroles. abandonne sa crainte et sa peur, abandonne le peu de respect hiérarchique qu’elle avait.
elle ne peut plus.
night est en colère. tout son corps bouillonne et ses pensées aussi.
alors elle le fixe là, lui toujours accroupi et elle en hauteur. les rôles qui s’inversent un instant.

“wow merci pour la fleur hein, c'est vraiment super sympa ! et du coup quoi ? tu m’as sauvé d’un abruti qui n’avait rien dans la tête et la cervelle ? tu m’offres une nouvelle vie, une nouvelle famille ? un nouveau monde sans lui ? c’est ça hein ? et bien merci achilles wicked, merci beaucoup. je me sens vachement mieux maintenant que je le sais. oh, attends… je viens de me rendre compte d’un truc…”

elle fait semblant de réfléchir, fronce encore un peu plus les sourcils. son regard est aussi froid que la mort. la colère à laisser place à du mépris.

“ça fait quatre ans. quatre ans. fallait me dire ça juste après sa mort, ça aurait peut-être eu du sens. là, c’est trop tard.”

pour ça, fallait venir avant. pas maintenant.

“tu viens me parler de mon père pour aucune raison, pour finalement m’annoncer que c’est aussi pour moi que tu la buter ? sérieusement ? j’ai jamais vu plus hypocrite. tu sais quoi, j’en ai rien à foutre de tes fausses intentions. ne me met pas dedans alors que ça ne me concerne pas. tu l’as buté parce qu’il était contre toi, c’est tout.”

c’est logique et naturel.
la loi du plus fort.

“à moins que quatre ans plus tard, le meurtre de cet abruti de poids mort ne revienne te hanter ? t’éprouves quoi ? de la culpabilité ? le grand achilles, si froid et cruel, veut se racheter ? dommage pour toi, je suis pas le public. mon père est mort en novembre 2017. on est 2021. si tu crois que j’suis toujours bloquée sur ça, t’es certainement pas plus intelligent que lui.”

sa bouche s’assèche et son souffle devient court. elle est tout sauf bavarde, et night n’est pas habituée au long discours. encore moins à vocaliser ses émotions à quelqu’un. elles qui ne sortent jamais aussi brutalement.
pauvre petite night n’est pas habituée à être aussi honnête.
honnête avec elle même.

“...putain de merde.”

qu’elle finit par lâcher avec colère.
elle déteste achilles wicked.

et tout de suite après, un pas, puis deux pas en arrière. les lapins sont tombés à terre, et la main droite de night se tient tout prêt de sa hanche, là où est rangé son poignard.
parce qu’elle vient de se rendre compte de ce qu’elle a fait. de ce qu’elle a dit.
elle mesure un tout petit peu la portée de ses propos.
elle n’a pas réfléchit, à balancer ce qu’elle pensait sous la colère.
mais là, elle retombe un peu.
elle fixe achilles.
les regrets tombent.
elle a peur.

breathing in the dark, lying on it's side

elle le hait, elle le déteste. va te faire foutre achilles wicked. disparait de la surface de la terre.
elle bouillonne, night. se débat comme un beau diable en vociférant ses paroles acides. rêverai que son regard soit mortel pour l’abattre à chacun de ses mots.
lui, cet homme dépourvu d’empathie, égoïste et cruel. lui qui ne la prend même pas au sérieux alors qu’elle lui déverse son torrent, toujours accroupi à se triturer les ongles, indifférent.
night ne supporte pas ça, l'indifférence. pas après toutes ses provocations. ce n’est pas juste. le monde est injuste. elle n’en peut plus. il ne lui reste que sa colère.

alors elle bouillonne, elle s’enflamme. son palpitant s'accélère et ses nerfs se contractent. il se redresse, achilles, et elle encaisse son flot de paroles retours. et ça l’énerve, night. ça l’énerve de voir que toutes ses insultes, que tous ses propos, ne servent à rien. aucun ne fait mouche, aucun ne le touche.
mais la réciproque n’est pas vrai. achilles la blesse dans chacune de ses phrases, chacun de ces mots. surtout le mot lâche.
ça la pique d’un coup dans sa petite fierté.
il a le même ton que joseph.

elle a envie de lui hurler dessus. de lui dire de venir, alors, la foutre six pieds sous terre. qu’est-ce qu’il attend, au juste ? qu’il finisse ce qu’il a commencé avec son père !
mais achilles se retourne et s’en va, et ça manque de l’achever. elle est battue sur toute la ligne. elle ne peut rien faire.
il avait raison, dans le dernier regard qu’il lui a jeté. au final, elle n’aboie que pour s’enfuir.

“non.”

la forêt est silencieuse. seul le ruisseau leur offre son bruissement.
si night à la colère facile, ce n’est jamais rien qu’une braise. si ça explose si vite, ça redescend tout aussitôt. c’est épuisant, les émotions.
alors sa voix est dépourvue de toute colère. c’est un ton qu’on ne lui connaît pas, un ton qui surprend.
c’est presque méprisant.
elle s’est redressée, night, a abandonné l’idée d'effleurer sa lame. elle fixe achilles, là, à quelques mètres d’elle. là où il ne peut la bousculer ni la pousser. elle le regarde de haut, comme s’il était si loin. comme si ses yeux disaient “tu ne comprends pas”.
mais le mépris dans sa voix, est là autant pour lui que pour elle.
c’est qu’elle aussi, elle se déteste.

“tu ne m’as pas rendu service.””

la réponse arrive. la gamine n’a pas dit non à l’ordre de son cheffe. elle n’a pas dit non au dépeçage des bêtes ni à la fin de sa tirade. ce n’est pas ça qu’elle conteste.

“c’est tout l’inverse. tu m’as condamné.”

il y a dans son regard quelque chose de brisé. le regard de celle qui ne peut plus avancer, qui ne veut plus avancer. du désespoir, de la peur, un cauchemar. son regard qui voulait donner la mort est maintenant celui de quelqu’un qui implore.

“parce t’as raison quand tu dis que je suis bloquée.”

ô, night. night qui dit enfin des choses sensées. night qui vient de voir ses murs tombés.
night, enfant perdue, enfant hantée. quatre ans que son père est mort assassiné. quatre ans que celui qui l’a fait taire à jamais s’est mit à commander.
quatre ans que night est coincée.
si elle déteste autant achilles wicked, si elle le méprise de tout son être, si elle voudrait le voir disparaître, c’est parce qu’il lui a tout pris.
pas son père, pas sa vie.
son futur.

parce que ce n’était pas à achilles wicked de trancher la gorge de jospeh evans.
c’était à elle.
à elle, night evans, qui avait subi pendant dix-huit ans la tyrannie de son paternel. c’était à elle de prendre les armes et de lui faire mordre la poussière. c’était à elle de planter son couteau dans son ventre. une fois, deux fois, trois fois. dans le cœur, l’abdomen, et l’estomac.
c’était à elle de se débarrasser des chaînes sur ses poignets.
parce que maintenant qu’il n’est plus là, elle ne le pourra plus jamais.

elle ne l’aura jamais, sa rédemption. elle ne l’aura jamais, sa revanche, son combat final. elle ne pourra jamais, ô jamais, montrer à son père qu’elle est enfin ce qu’il a toujours voulu: forte.
elle ne pourra jamais faire voler en éclat l’emprise absolue qu’il avait sur elle.
tout ça à cause d’achilles wicked.
et si elle le déteste, c’est par pure jalousie.
il lui a volé sa liberté.

voilà, il l’a, maintenant, la réponse à sa question.
à ce qu’elle fout encore ici, si elle ne les aime pas.

mais achilles à donné un ordre, et night n'oublie pas.
alors elle récupère les lapins morts, rattrapent les mètres qui les séparaient, les mains enfouis dans ses poches.
et elle le dépasse en silence.