Enfant modèle douée d'une douceur infinie, Alcmène est née au cœur d'un foyer aimant dont elle a, et chéri encore, chacun des contour. Enfant unique, enfant choyée, ses minuscules mains s'accrochait pourtant fort aux manches de Maman et ce, comme de peur qu'elle ne l'abandonne là, au cœur d'un inconnu qu'elle craignait tout aussi fort. Un peu craintive dans ses jeunes années en dépit d'un caractère que l'on sentait déjà battre à grand coup, Alcmène se tapissait derrière les jambes parentales à l'approche d'étranger et faisait preuve d'une timidité qui s'envolait brusquement lorsqu'elle devinait les formes de l'appartement familiale au loin. Alors, lorsqu'elle osait finalement relâcher son emprise autour de maman, et qu'elle ne parvenait plus à contenir son impatience du bout de forme un peu nébuleuse tracé dans le creux des mains de papa, c'était un peu plus sauvage qu'elle courrait à toute allure pour rejoindre la porte d'entrée et s'asseoir devant, le nez enfouit dans l'énorme lapin en peluche qu'elle traînait toujours. Comme pour contraindre sa famille à rentrer.

Si Alcmène se faisait d'une docilité étonnante et qu'un simple mot pouvait la ramener sans mal, il est étonnant qu'elle ne fut pas plus difficile ou capricieuses. Même si elle obtenait toujours de manger son dessert avant le repas et négociait beaucoup trop de mac'do. Mamie répétait sans hésitation que c'était grâce à elle et sa fermeté qu'elle avait pu rattraper les erreurs des parents, mais force est d'admettre que c'est l'amour inconditionnel qu'Alcmène portait à sa famille qui déconstruisait un à un ses sursauts les plus sauvages.
En effet, ce fut tès tôt que l'enfant tenta de remplir de fierté le regard de ses parents, mais plus encore celui de ses grands-parents, comme pour adoucir des tensions qu'elle ressentait déjà du haut de ses quelques années. Si elle ne comprenait pas les enjeux qui se jouaient autour de sa naissance, elle peinait à supporter la dureté qui frappait son père, et les mots visant parfois à blesser sa mère. Alors, plus douce encore, plus sage et plus docile, elle se hissait timidement sur les genoux de papi pour plonger son intense regard bleu dans le sien.

Elle entama véritablement l'apprentissage du mandarin à 3 ans avec mamie, puis maman parce que c'était plus simple, débuta le chant, la danse classique à 4 parce que papi répétait qu'une fille se devait d'être belle et gracieuse et si cela attisa quelques tensions chez ses parents, ce fut rapidement qu'Alcmène développa une passion dévorante pour cette discipline. Presque autant que pour les ballades à poney qu'elle soudoyait à papa en levant son immense regard de chaton vers lui.
Autant avouer que les journées de l'enfant étaient plus que remplit et qu'elle s’écroulait bien souvent dans la voiture en suçant son pousse.
Brillante, du moins c'était ce que clamaient ses professeurs émerveillé, Alcmène se faisait studieuse et volontaire, quoi qu'incroyablement angoissé par l'idée de ne pas réussir. Tant et si bien qu'elle vint fondre en larmes le jour où, tétanisée devant la classe, elle oublia sa poésie et en fut inconsolable. Pour autant, et bien qu'elle s'imposait une pression terrible, l'enfant n'était pas malheureuse. Comment l'aurait-elle pu ? Radieuse dans un monde où tout semblait lui sourire.

De la chute de l'Ancien Monde, Alcmène ne se rappelle pas grand chose. Qu'importe la force qu'elle injecte dans ses souvenirs embrumés. Un Séraphite avait appelé ça une amnésie traumatique mais elle n'avait pas prêté attention à la définition, un peu piqué dans son orgueil.
Elle ne se souvient que des bougies soufflés pour ces huit ans, les mouvements de foule et du fait qu'elle avait laissé tomber son lapin en peluche dans l'une des zones de quarantaine. Gervais, de son nom. Un gros lapin grisonnant, avec un ruban à pois autour du cou. Ils avaient tant bougé qu'elle ignore encore où il aurait pu tomber. Où l'avait-elle seulement imaginé ? Quelque part cette simple question la terrifiait. Devenait-elle folle ? Alcmène avait oublié leur cavale, comme si son esprit s'était mis en pause durant plus d'un an, seul subsistait des bribes. Le fait qu'elle ait passé des mois entiers a tenté de communiquer avec les oiseaux au point de maîtriser le chant de de la mésange charbonnière avec une aisance déconcertante. Ou le fait qu'elle ait manqué de perdre son pendentif en forme de biche, et que maman l'avait arraché aux herbes hautes alors même qu'ils fuyait. Et puis il y avait tous ces récits mythologiques, tous ces contes que soufflait à voix basses papa lorsque, niché tout contre sa mère et lui, elle peinait à trouver le sommeil.

Et puis il y avait eu Anne. De sa rencontre avec elle, Alcmène ne se souvient pas de grand-chose, comme pour le reste. Pourtant, elle avait toujours semblé faire partie de sa vie, un peu comme une tante ou un visage croisé depuis sa naissance. Peut être que son plus ancien souvenir des Séraphites remonte à ce jour où, accroupit devant elle, Anne lui avait demandé ce qu'elle voulait faire plus tard et que, un peu naïvement sans doute, Alcmèlui avait répondu qu'elle voulait être soit danseuse étoile, soit archéologue. C'était ce jour-là d'ailleurs qu'ils étaient parti sans un mot, Alcmène plaqué contre le cœur de son père et le regard emplit d'incompréhension. Haven incarnait ce qui se rapprochait le plus de refuge et il lui sembla sur l'instant inconcevable de se jeter de nouveau dans l'ombre froide qui se dessinait hors du port. Pour autant, ballottée, des questions plein les lèvres et d'anxieux regard jeté vers le village qui disparaissait au loin, l'héritière Wicked évoluait entre panique et impuissance.
Si Maman lui a souvent raconté cette soirée, Alcmène peine encore à s'en souvenir. Seul demeure l'horreur sournoisement nichée dans son échine et la sensation de brûlure sauvagement gravé là, sur ses joues, à force de sanglot contenu et larmes étouffées. Elle avait crû perdre sa mère cette nuit-là, mais c'était au final celui qui l'avait si longtemps tenu dans ses bras qui s'était évanouie à l'aurore naissante.

Si Yue Liang lui promis des nuits durant qu'il reviendrait, le nez niché sans sa chevelure et le sourire un peu éteint, Alcmène avait très tôt cessé d'espérer. Et ce simple constat lui brisait plus encore le cœur. Peut-être parce qu'elle avait compris plus rapidement que s'il avait tourné le dos, ce n'était pas pour revenir quelques jours après, ou qu'elle avait fini par nourrir une immense culpabilité à force de retourner la situation dans tous les sens. Papa était parti. Peut-être parce qu'ils ne les aimait plus, ou peut-être parce que Alcmène avait trop pleuré cette nuit-là ? Peut-être que son excès de larme avait révélé à son père si protecteur le poids qu'elle pouvait être ? Après tout, Alcmène n'était pas très dégourdie. Peut-être parvenait-elle à suivre mais jamais pourrait-elle constituer le moindre rempart entre sa famille et les monstres venu les guetter. Elle ne chassait pas, se contentait de poser des questions stupides, se plaignait à voix basse d'avoir faim. Peut-être avait-il favorisé sa propre survie à celle de son enfant, et condamné par la même occasion Yue Liang aux larmes. Etait-ce donc de sa faute si maman pleurait ? Alors, coupable et recroquevillée sur les genoux de sa mère, Alcmène lui soufflait qu'elle l'aimait fort avant de tomber de fatigue à force de veiller, bercé par le clapotis de l'eau.

Papa n'était pas revenu, c'était un fait, et Alcmène avait dû vivre avec.
Aussi, loin de son héro l'enfant s'était promise de se changer en guerrière pour briller plus fort que les constellations qu'elle observait chaque soir. Pour maman, parce que si elle lui avait arraché Achilles, au moins était-ce le minimum à faire ; la protéger. Lui rendre un semblant de sourire. Pour autant ce but vint doucement s'étendre à l'ensemble des Séraphites lorsque les années ancrèrent plus encore ce sentiment d'appartenance qui brûlait en Alcmène.

Toujours collé aux adultes, une course enthousiaste au bout du pas pour accueillir les retours de patrouilles, la pré-adolescente apprit les rudiments de la chasse et du tir à l'arc, puis, plus par orgueil que véritable nécessité car elle ne sortait pas de Haven, le maniement du couteau. Quelques bases de combat au corps-à-corps au bout des doigts lorsque le jeu se changeait en entraînement martial contribuèrent à doucement former son corps en pleine croissance. Plus grande, littéralement, gracile mais athlétique, Alcmène s'était faite plus féline au gré des années et le corps de la petite fille avait pris une allure moins candide. Quand bien même ses traits arrondit et ses grand yeux de biche hurlait l'inverse.
C'est à treize ans qu'Alcmène assista véritablement les médecins de Haven, a force de glisser entre leur pattes. Les médicaments se faisant rare, on entreprit de collecter quelques plantes médicinales et les cultiver dans un petit jardin situé non loin du sanctuaire et cette charge fut incombé à Alcmène. En parallèle elle assista ses premiers accouchements et du immobilisé une fracture ouverte qui lui retourna bien malgré elle l'estomac.
Ce fut également cette année qui marqua un changement drastique au sein des Séraphites ; l'odieux assassinat d'Anne. L'avènement de Yue Liang en tant que prêtresse et, irrépressiblement, l’ascension de Alcmène au rang d'apprentie. Un tas de responsabilités qui la terrifie plus qu'elle n'ose l'avouer et qu'elle tente désespérément de noyer en dansant autour du feu chaque soir.

✬ Elle s'est blessé à la cheville lors d'une partie de chasse. On aura fait plus glorieux comme blessure avouons le, pour autant c'est à la suite de cela qu'elle a tenté de concocter un anti-douleur à base de pavot somnifère. Mal dosé, les sens embrumés, elle a finit dans la cabane de Luther, roulé en boule près d'une commode, en pleurant qu'elle allait aller en enfer et qu'il ne fallait pas le dire à maman. C'est encore moins glorieux. Depuis elle boite et fait beaucoup plus attention lors de ses dosages. ✬ Clairement consciente qu'elle n'inspire aucune crédibilité, Alcmène s'est créé une sorte de rôle pour affronter les territoires n'appartenant pas aux Séraphites. Le regard lourdement souligné par du charbon de bois, les sinogrames sur sa cuisse apparent et une myriade de collier étranges et entremêlés à son cou constitue son armure. Ça, plus la dague à sa ceinture et la panoplie de flèche qui l'accompagne toujours, évidemment. Il n'est pas rare qu'elle glisse quelques plumes dans ses cheveux et communique en sifflant comme pour accentuer l'incompréhension des personnes qu'elle surprend là, immobile, ses iris céruléennes fiché dans leur âme. Ne se présentant pas, elle a hérité du surnom de "Fawn" par les locaux. En l'honneur de la biche trônant souveraine entre ses colliers, et de sa gueule de gamine parce qu'elle ne trompe personne. ✬ Cultive pas mal de baie comestibles et petits fruits parmi ses plantes médicinales ; si les Séraphites sont un peu bizarre, on vous l'accorde, au moins ont-il le monopole du trafique de fraise. ✬ Veut un chien. Et un poney. Et une tablette de chocolat.