Je suis né en 1676. Le 1er Avril, plus précisément. Une naissance digne d'une blague de mauvais goûts pour ma mère qui avait fait un déni de grossesse. Enfant non voulu qui est venu de force dans le monde, il lui a fallut bien du temps pour accepter de me considérer vraiment comme son fils. Je ne fus pas maltraité pour autant, loin de là, seulement les gestes les plus anodins comme les baisers sur le front ou être simplement enlacer dans ses bras n'existaient pas pour moi. Mon père, lui, s'en est allé peu après ma naissance, pensant que ma mère l'avait piégé en cachant sa grossesse. Bien qu'elle ne me l'a jamais dit, je sentais bien qu'elle me voyait comme le responsable de leur séparation et notre relation n'en était finalement que plus douloureuse. Une douleur silencieuse que l'on taisait l'un et l'autre, creusant un peu plus un fossé entre nous.

Le sentiment d'apaisement, je ne le trouvais donc pas auprès d'elle, mais chez les voisins et plus particulièrement auprès d'Anne. Jeune fille de mon âge au sourire doux, à l'oreille attentive et aux paroles réconfortantes, je trouvais en elle l'amie et la sœur que je n'ai jamais eue. Je ne compte plus le nombre de fois où, comme dans les films, je jetais des petits cailloux à sa fenêtre pour attirer son attention et parler ensuite avec elle des heures à la fenêtre. Heureusement qu'elle habitait au rez de chaussé.

J'ai grandis au fil des années. Si je deviens populaire au fil de mes années d'études, se fut surtout grâce à Anne qui me donnait le courage et la confiance que je manquais de nouveau dès que je croisais le regard de ma mère. Il faut dire que j'étais franchement pas mal lors de ces années en plus d'être plutôt doué en sport, de quoi attirer quelques jolis filles à l'époque. Pourtant, déjà à cette âge, je n'étais pas à l'aise avec ce genre d'émotion et de sentiment. L'amour, pour moi, ne voulait rien dire, tout comme tous ces gestes qui vont avec, du simple baiser au corps à corps sous la couette. Alors je refusais, toujours. En soit, la seule proximité que j'avais, c'était uniquement celle avec Anne. Une proximité fraternel. Et les amis ? Même s'ils étaient appelés ainsi, je ne pouvais m'empêcher de m'en méfiait, de garder toujours un peu de retrait. Je n'avais pas vraiment confiance en eux.

Quand en 2013, Anne viens me parler de la pandémie à venir, je n'ai nullement douté. Pas parce que je la croyais - je m'en rends compte maintenant - mais parce que j'avais besoin de me dire que ma vie n'était pas si fade que ce qu'elle était encore. A ces côtés, j'entrepris de faire des réserves et de rallier certaines personne à sa cause.

Après les études, le travail. Je m'en trouvais un en tant qu'agent de sécurité. Pas le travail que je préfère, pas celui qui m'horripile non plus. Il faut dire qu'à ce moment-là, je n'avais absolument aucun but alors j'avais pris ce que j'avais trouvé, sans plus. Avoir un but... Ce n'est pas si simple. J'ai mis plus de 40 ans à trouver le miens, passant cette grosse partie de ma vie à simplement travailler et vivre comme la majorité des gens. Ni dans la souffrance et l'horreur, ni dans la joie et le bonheur. Une vie rythmé par la banalité...

Je n'ai aucun mal à quitter Mountain Valley à ses côtés pour finir sur l'île d'Haven alors que l'épidémie fait rage. Je ne suis pas le seul d'ailleurs, mais tout un petit groupe qui porte désormais le nom de Seraphite. Anne étant persuadé que cette maladie est une punition pour nos péchés, on reprends une vie plus simple et archaïque. Si je ne suis pas certain de ce point là, je n'en dit rien pour autant, appréciant simplement cette nouvelle vie où, au côté de la désormais Prophétesse, je me sens bien plus utile qu'avant.

La vie pris un nouveau tournant quand la FEDRA posa l'oeil sur notre petite communauté. Méfiant, j'avertissais plusieurs fois Anne de faire attention, de se préparer à se battre par précaution, mais elle prônait toujours avec entrain la paix en toute circonstance. Quand le FEDRA tombe et qu'on commence à s'éloigner un peu pour la chasse, la pêche et le recrutement, c'est sur la WLF qu'on tombe alors. Loin d'êtres amicaux, ils nous chassent et nous repoussent, ce qui est loin d'être à mon goût. Je veux défendre notre groupe, notre terre, mais Anne le refuse et demande à ce qu'on rentre se mettre à l'écart à Haven. Je ronge bon grès mal gré mon frein et forme des jeunes recrues, soit-disant pour des explorations, afin d'être sûr d'être près quand Anne changera d'avis. Elle n'en aura jamais eu l'occasion...

Capturé par la WLF puis assassiné, Anne n'est plus. Chez les Sérpahites, ça se divise : Ceux qui veulent la paix malgré tout et ceux qui refusent de laisser un tel acte impuni. Bien entendu, je fais partis des seconds. Habillement, je m'arrange pour que Yu prenne la place de tête. Pas la plus pieuse ni la plus ancienne, mais celle qui a le plus de hargne et qu'il m'ait le plus facile à utiliser. Sa proximité qu'elle avait avec Anne m'aide grandement en ce sens. Avec sa bénédiction, je commence les raids contre le WLF. Si on est moins nombreux et moins armées, on en reste pas moins stratèges, organisés, préparé et surtout, en colère. Aider de Yu et prenant appuis sur l'idée de "la pandémie en punition" d'Anne, j'instaure doucement le fait qu'il devient de notre devoir de purger le monde pour le rendre meilleur.

C'est sur ce champs de bataille sauvage que je récupère la plupart de mes cicatrices et que je perds mon œil gauche. Que nenni, hors de question pour moi d'abandonner mon poste et pourtant, on ne me laisse pas vraiment le choix, m'offrant plutôt un poste de Cardinal comme si ça allait me contenter. Il est vrai qu'entre l'âge et les blessures, je ne suis plus vraiment en forme pour des raids ou des explorations mais l'avouer m'est bien difficile. Je prie dans un premier temps cette décision comme une injustice profonde et ma foi en Anne autant qu'en notre groupe s'en est fragilisé. Du moins, jusqu'à ce que je me rende compte que je pouvais tout aussi bien agir en restant "sagement à l'abri." Pour autant, je ne rate pas une occasion de suivre les plus jeunes quand j'en ai encore l'occasion.

Aujourd'hui s'étend une certaine trêve. Je trouve qu'elle est l'occasion parfaite de créer une véritable armée pour détruire entièrement le WLF. Je souhaite qu'aucun d'entre eux ne survive afin que la mort d'Anne soit enfin véritablement vengé. Pour ce qui en est des nôtres, je compte bien les protéger encore, comme elle l'aurait fait si on avait pas atteint à sa vie si vite. Moi aussi, je donnerais ma vie pour eux, mais pas en priant, sourire aux lèvres, avec l'illusion qu'une paix est possible.